Mi-carême à l'Isle-aux-Grues

Edith Rousseau

Coordonnatrice de la Corporation touristique de l'Isle-aux-Grues

Forme d'expression

Vidéo

Intérêt patrimonial

La mi-carême, une tradition française, se perpétue à trois endroits au Québec, dont à l’Isle-aux-Grues. Jusqu’en 1960, les insulaires défilaient costumés de maison en maison en essayant de ne pas se faire reconnaître. Ces festivités rassemblant la communauté ont cessé pendant quelques années pour reprendre en 1976. Depuis, la tradition se perpétue et suscite la participation de la majorité des insulaires et de touristes.

Description de la forme d'expression

Pour les insulaires de l'Isle-aux-Grues, la mi-carême est le moment le plus attendu de l'année. Plusieurs semaines et même plusieurs mois avant le début des festivités, la population commence les préparatifs de la mi-carême qui se déroulent sur une semaine complète. Les participants de la mi-carême se rassemblent par groupes tous les soirs de la semaine pour se costumer, se masquer et passer de maison en maison sans se faire reconnaître. Chaque groupe doit planifier une chorégraphie et avoir une musique pour accompagner son passage dans les maisons. Les groupes offrent une prestation dans chacun des établissements visités pendant une dizaine de minutes avant de se démasquer. Lors de cette prestation, les participants font tout ce qu'ils peuvent pour ne pas se faire reconnaître, allant même jusqu'à changer leur démarche. Pendant ce temps, les spectateurs tentent par tous les moyens de découvrir qui se cache sous les costumes. Tout au long de la semaine, une douzaine de maisons du village ouvrent leur porte aux participants et aux spectateurs. Des consommations sont offertes aux participants dans toutes les maisonnées. Cette mascarade commence vers 19 heures et se termine habituellement aux petites heures du matin. Le principal élément de ces festivités est son côté secret. Ainsi, personne ne connaît la composition des groupes puisqu'ils changent tous les ans et tous les soirs et aucun détail concernant les costumes n'est divulgué avant le grand dévoilement des nouveaux costumes. Dans les semaines précédant la mi-carême, les villageois s'affèrent donc en secret à confectionner à la main les costumes et à peaufiner les chorégraphies. Au début de la semaine de la mi-carême, les costumes et la présentation des groupes sont beaucoup moins élaborés. Lors des premières soirées, les gens mettent habituellement de vieux vêtements (des «guenilloux») et du rembourrage comme cela se faisait à l'époque. Au milieu de la semaine, les gens commencent à mettre les costumes des années antérieures. Puis finalement, les deux derniers soirs de la semaine, le vendredi et le samedi, les gens dévoilent les nouveaux costumes. Ce moment est le point culminant des célébrations de la mi-carême pour les villageois et les touristes. Ainsi, tout au long de la semaine, les groupes changent. Seuls les groupes du vendredi et du samedi sont décidés plusieurs mois à l'avance à cause de la confection des costumes. À cette occasion, le groupe trouve une thématique, confectionne un costume en lien avec ce thème et chaque membre du groupe porte un costume identique. Lors des deux dernières soirées, les groupes se dirigent vers la salle paroissiale après avoir défilé dans les différentes maisons. Le dévoilement des personnes qui se cachent sous les nouveaux costumes s'effectue à ce moment et une soirée dansante clôt alors les festivités de la mi-carême. Plus de 90% de la population de l'Isle-aux-Grues participent aux activités de la mi-carême, soit en se costumant, soit en accueillant les participants dans les maisons. L'hiver, la population de l'Isle compte 140 individus, mais plusieurs touristes viennent à l'Isle-aux-Grues durant cette semaine pour participer aux célébrations de la mi-carême. Pendant la dernière fin de semaine d'activités, la population de l'Isle peut grimper jusqu'à 250 personnes.

Apprentissage et transmission

Moment attendu avec impatience tout au long de l'année et préparé avec soin pendant plusieurs mois, les célébrations de la mi-carême sont présentes à l'Isle-aux-Grues depuis plusieurs siècles. Les jeunes de l'Isle sont initiés très tôt aux festivités de la mi-carême. Les enfants agissent comme spectateurs jusqu'au début de l'adolescence vers l'âge de 13 ou 14 ans. À partir de cet âge, ils ont habituellement la permission de se greffer à un groupe pour participer à la mi-carême. Plusieurs groupes de jeunes dans la vingtaine s'organisent tous les ans. Ils confectionnent eux-mêmes leurs costumes, certains apprennent très jeunes les rudiments de la couture. L'Isle-aux-Grues compte plusieurs excellentes couturières qui transmettent leur savoir. Les adolescents et les jeunes adultes de l'Isle-aux-Grues sont conscients de l'importance de cette tradition et ils souhaitent à leur tour perpétuer cette coutume.

Historique général

Ancienne tradition française introduite par nos ancêtres en Nouvelle-France, la mi-carême s'est perpétuée jusqu'à nos jours dans trois villages du Québec, à Fatima aux Îles-de-la-Madeleine, à Natashquan et à l'Isle-aux-Grues. À l'époque, la mi-carême à l'Isle-aux-Grues a pour objectif de briser la monotonie de l'hiver et de permettre aux insulaires de se rassembler. Il faut dire que, jusqu'à tout récemment, l'Isle-aux-Grues était isolée pendant plusieurs mois au moment où l'hiver arrive. Le canot était alors le seul moyen de transport pour se rendre sur la terre ferme. Aujourd'hui, un avion fait la navette entre Montmagny et l'Isle-aux-Grues tous les jours. À l'époque, la mi-carême était aussi considérée comme un moment de répit pendant la période de jeûne et d'abstinence. Seuls les hommes étaient autorisés à se promener de maison en maison. Le clergé interdisait aux femmes de participer à la mi-carême, puisqu'il était mal vu pour une femme de se promener tard le soir dehors. Les femmes de l'Isle-aux-Grues se révoltèrent toutefois contre cette pratique où elles étaient exclues malgré le fait que c'étaient elles qui confectionnaient le costume de leur époux. Les festivités de la mi-carême prirent donc fin en 1960. La pratique a été reprise en 1976 au moment où les femmes reçurent l'autorisation de participer à la mi-carême. Jusqu'aux années 1960, l'intérêt pour la mi-carême portait davantage sur le fait de se rassembler et de pouvoir jouer des tours, plutôt que sur la confection de costumes. À l'époque, les gens visitaient les maisons sans former de groupes précis et les chorégraphies étaient absentes. Comme il est indiqué sur le site Internet de l'Isle-aux-Grues : «Certains apportaient leur violon ou leur accordéon et on profitait de l'occasion pour inviter les filles de l'endroit à un petit set carré. Inutile de dire que les maisons où résidaient les plus belles filles étaient fort courues lors de la soirée des galonnés.» (www.isle-aux-grues.com/activites/micareme.html). Toutefois, lors de sa reprise en 1976, la mi-carême se transforma en festival costumé. Les costumes sont devenus recherchés et les participants ont décidé de porter une attention particulière à la présentation qu'ils effectuent dans les maisons. L'accent est donc maintenant mis sur l'originalité des costumes.

Sources

  • Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Maude Redmond Morissette et Célia Forget
  • Date d'entrevue : 2007-07-30
  • Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Maude Redmond Morissette

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