La chasse et la cueillette de subsistance

Serge Simon

Chasseur et cueilleur

Forme d'expression

Intérêt patrimonial

La chasse de gibiers et la cueillette de petits fruits sont des activités de subsistance qui ont été pratiquées depuis des millénaires par les Autochtones. Malgré le fait que ces pratiques aient été limitées par la sédentarisation, ces activités se pratiquent encore aujourd'hui chez certaines familles amérindiennes. Serge Simon participe aux activités de chasse et de cueillette depuis son enfance avec les membres de sa famille et de sa communauté mohawk.

Description de la forme d'expression

Serge Simon cueille en saison estivale et chasse surtout l'automne, même si ses droits de chasse spécifique à son statut autochtone lui permettent de prélever tout au long de l’année. La communauté de Kanesatake dispose d’un territoire de chasse à l’orignal près de Sainte-Lucie, à la réserve de Doncaster. Cet endroit est propice à la pratiques des activités traditionnelles, particulièrement pour la chasse, la trappe et la pêche.


Lors de la saison de trappe, en hiver, les chasseurs posent des collets dans lesquels se prendront le gibier, qui sera prélevé quelques heures plus tard. Il arrive parfois que des animaux « goûtent » ou mangent les proies chassées au collet par les membres de la communauté. Serge Simon explique qu'il est possible de savoir quelle espèce a déniché le butin de chasse en fonction du comportement alimentaire des autres espèces prédatrices : s’il ne reste que la tête du lièvre, c’est qu’un hibou l’a dérobé ; s’il ne reste que des lambeaux de chair ici et là, c'est probablement un renard qui l'a mangé. Pour contrefaire le flair des animaux, les chasseurs ont ainsi développé des astuces : on tend une grosse branche comme on le ferait avec un arc et on la coince dans une autre branche. On attache le collet sur la branche ainsi tendue. Quand le lièvre s'y piége, il déclenche l’ancrage et sera pendu à l’arbre, à l’abri de l'appétit des renards. Ceci est un exemple de technique qu'on doit adapter au gibier local. Certains gibiers d'hiver, comme le lièvre ou la perdrix, ne contiennent pas assez de protéines pour satisfaire les besoins nutritifs. Les Autochtones ont développé différentes techniques de conservation des aliments, comme la purée de petits fruits déshydratés, pour compléter l'alimentation.


En été, la cueillette des fraises, des framboises et des catherinettes forme l’essentiel de la récolte. Les catherinettes, espèce de framboises noires aussi appelée « fraises à pied », poussent dans les petits boisés, aux endroits où les bûcherons sont passés en dégageant les bois, au mois de juillet. Serge Simon a toujours pensé qu’un petit champignon microscopique aidait les catherinettes à pousser. Plus elles sont petites, plus elles sont délicieuses. Les catherinettes sont davantage sucrées que les framboises. Serge Simon en cueille chaque année. Il cuisine les catherinettes dans ses crêpes, et en met aussi dans les muffins. À la fin du mois de juillet et début de août vient le temps des bleuets. Chaque année, un homme lui vend des bleuets sauvages, cueillis dans la région.


Les plantes et petits fruits récoltés au cours de la saison estivale ne servent pas uniquement à se nourrir: certaines personnes s'en servent comme remède médicinal. Serge Simon partage une anecdote où sa tante Mary, femme médecine venue visiter son frère souffrant de la varicelle, avait apporté une poignée de branches et en fit une tisane servant à abaiser la fièvre. Elle avait aussi fabriqué une pâte à l’aide d'autres plantes pour favoriser la guérison des plaies. L’efficacité de cette mixture étonnait même les médecins. Serge Simon affirme que les médecins contemporains rejettent souvent la médecine autochtone, préférant les produits des grandes industries pharmaceutiques. Il affirme que même si la médecine traditionnelle autochtone n’a pas les réponses à tous les maux, elle possède un grand inventaire de produits naturels servant de remèdes.


Apprentissage et transmission

Serge Simon a appris à chasser, placer des pièges pour le petit gibier ainsi que différentes sortes de collets avec son père lors de la période de chasse. Celui-ci lui a enseigné différents trucs de chasse pour plusieurs espèces, sans toutefois jamais l’avoir initié à la chasse aux oies. Il amène aujourd'hui ses enfants en forêt pour partager avec eux ses connaissances du territoire. Il fait de même avec certains amis. C'est en forêt qu'il peut parler des savoirs et savoir-faire liés au territoire forestier, issus de la tradition de ses ancêtres.

Historique général

Serge a grandi à Oka et a suivi une éducation institutionnelle catholique où il a appris le français et l’anglais. À cette époque, les Mohawks subissaient beaucoup de discrimination. Il partage à ce sujet des souvenirs parfois douloureux. Dans les cours d'histoire du Canada, on racontait comment les Iroquois avait martyrisé des personnages religieux comme le Père Brébeuf et le Père Lalleman. Les six ou sept Amérindiens présent dans la classe attiraient alors l'attention de tout le groupe et étaient jugés par leurs camarades. La bataille des plaines d'Abraham était un autre sujet tabou, car les Iroquois étaient alors les alliés des Anglais. En classe, ses camarades et lui n’étaient pas les préférés des religieuses enseignantes, et étaient surnommés « sauvages ». La langue mohawk était interdite par les prêtres et religieuses dans la communauté, car considérée comme la « langue du diable ». Son père n’a donc pas appris à parler la langue maternelle. Sa mère l'a conservé et le parle très bien, mais elle ne l’a jamais transmis à ses enfants.


Serge et sa famille vivait très modestement, et les pratiques de subsistance étaient alors plus importantes qu'aujourd'hui. La famille mangeait beaucoup de gibiers et de poisson. On pêchait surtout la perchaude, le doré et le brochet. L'automne, on chassait le lièvre et la perdrix. Son père partait chasser l’oie durant deux semaines et en ramenait assez pour nourrir sa famille un long moment. C’était à l'Isle-aux-Grues. 


La chasse et la cueillette ne constituent plus des activités centrales dans la société autochtones depuis la sédentarisation et l'évolution des technologies. Autrefois, elles représentaient les uniques pratiques de subsistance alimentaire. De nombreuses techniques étaient utilisées pour conserver la nourriture. Par exemple, les Autochtones chassaient l’été et fumaient leurs prises le plus rapidement possible pour éviter de perdre une partie de la viande. Pour se protéger des vers intestinaux, ils laissaient la viande faisandée. Quand il était petit, Serge Simon consommait beaucoup de noix du noyer cendré, appelées « longues noix » ou butternut. Ce sont des noisettes d’une bonne taille avec une coquille collante et l’espèce serait aujourd’hui en voie de disparition, atteinte d’une maladie. Les noix se consommaient dans le but de se débarrasser des parasites intestinaux lorsque de la viande non faisandée devait être mangée. Pour sa part, la plante que les Européens nomment « herbe à dinde » était utilisée en tisane, pour faire baisser la fièvre. Le cresson servait à maintenir la santé du cœur et de la digestion. Plusieurs plantes avaient ainsi des propriétés médicinales, et sa tante Mary, femme médecine, disposait de beaucoup de ces secrets.


Serge Simon ne se considère plus catholique depuis un voyage au Nouveau-Mexique en 1992 où il a été éveillé à la spiritualité autochtone. Il a assisté à une assemblée d'hommes autochtones avec d'autres Iroquois. Père de quatre enfants et aussi grand-père, il enseigne à sa progéniture à vivre une vie simple et honnête. 


Documentation

http://wisplants.uwsp.edu/scripts/detail.asp?Spcode=RUBPUB ; http://www.lrconline.com/Extension_Notes_French/pdf_F/bttrnt_F.pdf ; http://www.florelaurentienne.com/flore/Groupes/Spermatophytes/Angiospermes/Dicotyles/014_Juglandacees/01_Juglans/cinerea.htm

Sources

  • Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Valérie Roussel
  • Date d'entrevue : 2009-07-29
  • Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Valérie Roussel

Facebook

Partenaires

La réalisation de l’Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel a été rendue possible grâce à l’appui de nos partenaires.

  • Logo - Conseil québécois du patrimoine vivant
  • Logo - Chaine de recherche du Canada en patrimoine ethnologique
  • Logo - Musée québécois de culture populaire
  • Logo - Société Québécoise Ethnologie

© 2024 Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique, Université Laval