La fabrication de canot d’écorce est une pratique très ancienne, présente bien avant l’arrivée des colons européens en terre d’Amérique et développée par les Amérindiens. Ces canots étaient largement utilisés par les coureurs des bois sur les routes des fourrures. Aujourd’hui, les canots d'écorce servent à l'exposition dans des musées ou ailleurs, plus rarement à des activités de loisir et de sport. Des canots en fibre de verre ou en d’autres matériaux modernes très durables ont remplacé ces embarcations fragiles. La fabrication et l'entretien de canots d’écorce selon les techniques traditionnelles sont donc des pratiques marginales, mais qui permettent de perpétuer une tradition ancestrale et d'en faire un patrimoine.
Détail d'un canot de bois, © IREPI
La fabrication du canot d'écorce se fait en plusieurs étapes. La sélection des matériaux est une la première étape cruciale qui exige une grande rigueur, selon John Zeitoun. Un seul petit défaut dans l’écorce ou le bois choisi peut affecter l’étanchéité de l’embarcation. Il faut trouver un arbre d’au moins 18 pouces de diamètre avec une écorce de bonne qualité, c’est-à-dire assez épaisse (3 millimètres), sans branche ni blessure. Généralement, le bouleau est utilisé, en raison de sa légèreté, sa résistance et sa beauté. L’arbre doit pousser droit, car la présence de courbes empêche d'étaler l’écorce pour la faire sécher sans la briser. Anciennement, les canots étaient construits d’un bout à l’autre avec une seule grande feuille d’écorce. Aujourd’hui, plusieurs bouts sont utilisés puisqu’il n’y a plus d’arbres assez gros pour produire de grandes feuilles. Cela donne de meilleurs résultats, car il est plus facile de trouver plusieurs beaux petits morceaux qu’un grand.
Pour fabriquer l’intérieur du canot, il faut aussi trouver un arbre parfaitement droit et accorder une attention particulière à son grain, en s’assurant qu’il ne courbe pas. Lorsqu’un bout de bois pousse de travers, sa fibre est moins bonne et perd de son étanchéité. On coupe donc l’arbre en billots que l’on fend pour obtenir de petites planches minces. Les membrures à l’intérieur du canot, ainsi que les planches qui le recouvrent, sont faites de cèdre blanc, un bois plus léger qui permet une manipulation plus aisée du canot, facile à trouver et à fendre.
Les feuilles de bouleau sont coupées aux dimensions voulues. John Zeitoun possède une table de 16 pieds de long et 5 de large où il étend les bouts d’écorce, et à l’aide de marques sur la table et d’une
perceuse, il perce des orifices dans l’écorce. Ceux-ci serviront à
coudre l’écorce ensemble, morceau par dessus morceau à l'aide de racines de
pin, traditionnellement utilisées pour cette tâche. Pour trouver ces racines, il suffit de creuser avec les
mains dans la vase d'un étang jusqu’à déterrer des racines.
Généralement, deux jours de collecte sont nécessaires pour trouver les
matériaux requis pour l'ensemble du canot. On enlève l’écorce sur les
racines, puis on les fend en deux. Ainsi, chaque morceau de racine
permet de faire deux cordes. Dans la construction de canots
plus récents, on utilise généralement des clous. Les jointures sont calfeutrées traditionnellement avec de la gomme de sapin ou de pin, aujourd'hui de plus en plus avec du caoutchouc, pour rendre le canot imperméable.
Avant de mettre le canot à l’eau, on doit s’assurer de son étanchéité.
Pour ce faire, on le remplit d’eau pour vérifier la présence de fuites.
Au besoin, le canot sera réimperméabilisé. La plupart du temps, les
défauts sont situés au niveau des joints, à la jonction des bouts
d’écorce.
Les avirons sont fabriquées en frêne. Le bois traditionnel pour cet élément est plutôt le cèdre blanc, mais le frêne est plus dur, donc plus durable.
Calfeutrage en caoutchouc, © IREPI
John Zeitoun a suivi des cours professionnels d’ébénisterie au collège algonquin, d’où il a gradué en 1987-1988. Même s’il n’avait pas beaucoup d’expérience, son intérêt était très poussé. Il a commencé à travailler en tant que fabricant de meubles. C’est en 1991, suite à la lecture d’un article de magazine sur la fabrication des canots d’écorces traditionnels, que sa passion s'est développée. Il contacte alors Jack Minehart, l’un des plus célèbres constructeurs de canots d’écorce selon la méthode Anishnabe, et part le rejoindre au Minnesota. Il devient son apprenti pendant cinq étés consécutifs et apprend les rudiments de la fabrication de canot d'écorce avec lui. Pour certaines étapes de production, il est nécessaire d’être deux. John Zeitoun en profite donc généralement pour prendre un apprenti sous son aile. À ce jour, il a enseigné les techniques de fabrication de canots d’écorce à plusieurs d'entre eux.
Confection d'un canot, © IREPI
Construire un canot d’écorce selon la méthode traditionnelle autochtone est un long processus. Tous les éléments du canot proviennent de la forêt. Le constructeur doit trouver tous les matériaux dans la nature puisque rien ne se commande. Aucune compagnie n’existe dans ce domaine puisqu’il s’agit d’un très petit marché qui compte peu de fabricants. Du début à la fin, le canotier travaille ses matériaux selon des techniques précises. John Zeitoun a toujours été passionné par le travail du bois. Ayant suivi une formation en ébénisterie, il peut réaliser presque tous les types de mobilier en bois. Ses clients proviennent autant du milieu commercial que résidentiel. Il a réalisé plus d’une cinquantaine de canots jusqu’à présent. Il estime qu’ailleurs dans le monde, une trentaine de personnes seulement connaît les techniques de fabrications de ces canots, et moins d’une douzaine de personnes en ont fait leur métier. Les Autochtones, entre autres, construisent des canots d’écorces afin de perpétuer cette tradition ancestrale. Ainsi, le chef algonquin William Commanda fut l’un des constructeurs de canot d’écorce les plus réputés en Outaouais et dans le monde.
Site internet de John Zeitoun: http://www.riverwoodworks.com/index.html
Article de wikipedia sur William Commanda: http://en.wikipedia.org/wiki/William_Commanda
Nouvelle de Radio-Canada sur la mort de William Commanda: http://www.radio-canada.ca/regions/ottawa/2011/08/03/001-deces-william-commanda-algonquins.shtml
La réalisation de l’Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel a été rendue possible grâce à l’appui de nos partenaires.