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Intérêt patrimonial
André et René Tremblay sont adeptes de la pêche à la truite mouchetée à la mouche depuis plus de 30 ans. C’est en 1975 qu’ils débutent leur apprentissage de cette technique de pêche auprès d’un ami, Guy Bégin, pêcheur alors réputé du Saguenay. André Tremblay transmet ses connaissances à d’autres pêcheurs de la région et à des membres de sa famille.
Description de la pratique, du savoir ou du savoir-faire
André et René Tremblay, de St-Fulgence, pratiquent la pêche de la truite mouchetée à la mouche au lac Balancine, près du mont Valin. Ils pratiquent cette activité en canot depuis plus de 30 ans. Comme il n'y a jamais eu d'ensemencement au lac Balancine, la truite qu'il contient est de très grande qualité. En effet, celle-ci n'a jamais été nourrie à la moulée. La truite mouchetée se nourrit plutôt d'insectes et c'est pour cette raison qu'elle se tient là où il y a des éclosions d'insectes. Les larves d'insectes sont déposées l'année d'avant sur la végétation aquatique, plantes en forme de spirales qu'André et René appellent communément «flûtes». Ces larves passent leur cycle de croissance sous l'eau jusqu'au stade de papillon. À ce stade, elles sortent de l'eau sous la forme d'un petit papillon attractif pour la truite. La truite attrape ces papillons lorsqu'elle est en eau peu profonde, c'est-à-dire plus près des rivages. Les éclosions se produisent principalement à la fin juin et au début juillet et surtout en fin de journée. Le moment idéal pour pêcher à la mouche se produit alors vers 18h00, lorsque le vent tombe et que le temps est calme. André et René pêchent à la mouche à la fin juin ainsi qu'au mois de juillet, au moment propice à ce type d'éclosion de papillon. Au soleil en plein jour, il ne se produit pas ou très peu d'éclosion, ce qui est donc moins favorable pour la pêche. La pluie a moins d'influence que le vent à la pêche. Le vent déplace les papillons sur la surface du lac. Le pêcheur doit être attentif à cette contrainte et se déplacer en conséquence vers l'endroit du lac où le vent souffle afin d'avoir un plus grand succès. Le pêcheur se doit de bien connaître le lac et son environnement. Ces connaissances s'apprennent avec la fréquentation du lieu et la pratique au fil des ans. Généralement, le poisson se déplace du large vers le rivage. Il se tient en eau plus profonde le jour et se dirige en eau moins profonde pour se nourrir. Pour capter les éclosions, les truites sautent à la surface de l'eau. Le pêcheur les repère et lance souvent près des cercles sur l'eau créés par l'action des truites. André et René pêchent de leur canot avec une canne à moucher d'une longueur de 8 pieds et demi. Les cannes de 9 pieds et plus sont davantage utilisées pour la pêche au saumon. Le fil de couleur (soie), plus pesant, permet d'exécuter le lancer à l'endroit désiré et il n'est pas nécessaire de lancer très loin. À l'extrémité de la soie, des mouches artificielles (2-3) sont accrochées au fil transparent. Le choix des mouches pour la pêche se fait préalablement et en fonction du type d'insecte à imiter. La façon de faire est de leurrer la truite, c'est-à-dire de simuler la présence et le déplacement à la surface de l'eau de l'insecte qui vient juste d'éclore. L'apparence de la mouche se rapprochera le plus possible de l'insecte original. La truite qui s'y méprend se rend vite compte qu'il s'agit d'un leurre et essaie de rejeter la mouche. La mouche se retrouve donc très souvent au coin de la mâchoire car la truite ne l'avale pas et essaie de s'en départir. Pour lancer, le pêcheur déroule du moulinet une bonne longueur de soie, suffisante pour réaliser le mouvement similaire au fouet. La soie avec les mouches se dépose rapidement à l'endroit visé sur l'eau et le pêcheur remonte la canne d'une main et ramène le fil en le tirant manuellement. Le mouvement doit se faire rapidement pour ne pas laisser la chance à la truite de voir la différence entre la mouche et le papillon. Il faut être au bon moment pour piquer la truite. Il ne s'agit donc pas d'un lancer au hasard, mais plutôt d'une chasse, d'une course. Ainsi, la pêche se fait avec les yeux. Une fois le poisson repéré, le pêcheur doit le piquer rapidement avant qu'il ne relâche l'appât. André et René se déplacent sur le lac avec le canot muni d'un moteur à batterie (donc peu bruyant). Ils se rendent où la truite s'active pour réussir leur pêche avec plaisir et satisfaction. La truite mouchetée (truite «sauvage» ou «indigène»). Une fois pêchée, la truite est entreposée au frais pour assurer sa conservation jusqu'au lendemain puisque la pêche se déroule sur une période minimale de deux journées. André et René disposent les truites dans un trou au sol très peu éclairé par le soleil durant la journée et près d'un rocher humide où il y a présence de mousse. La mousse sert de lit et de couverture isolante pour bien conserver le poisson durant une nuit ou un peu plus. La truite est consommée au retour à la maison et non sur place. Elle est soit cuite dans la poêle ou sur le BBQ avec de l'huile.
Apprentissage et transmission
Lorsqu’André et René apprennent la pêche de la truite sauvage à la mouche en 1975, ils savent déjà pêcher au lancer léger et à la traîne, techniques de pêche les plus répandues. C'est feu Guy Bégin, pêcheur de Jonquière très reconnu dans la région, notamment pour ses chroniques sur cette activité sportive à la radio, qui a montré la technique de la pêche à la mouche aux frères Tremblay. Guy Bégin, homme très respecté par André et René, était un «gars de bois». C'est lui qui a montré la pêche à la mouche à plusieurs guides de pêche de la rivière Sainte-Marguerite. En plus de pêcher, il chassait, trappait, fabriquait des raquettes et des canots. L'apprentissage s’est déroulé à différents endroits propices à la pêche à la mouche, dont le lac Balancine, et ce pendant plusieurs saisons de pêches. En effet, un pêcheur apprend sur une longue période. Les connaissances comprennent le lancer ou mouvement («moucher»), les habitudes et les caractéristiques de la truite mouchetée ainsi qu'une connaissance approfondie du territoire de la pratique (ici le lac et son environnement). André a transmis son savoir-faire à ses deux filles pour la pêche au lancer léger. Il a aussi montré à quelques personnes son savoir-faire de la pêche à la mouche. Il s'agit d'une transmission par contact direct en contexte de pêche au lac Balancine ou sur d'autres plans d'eau de la région. Le savoir-faire de la pêche à la mouche s'acquiert avec la pratique sur une longue période. Il est toujours prêt à transmettre sa pratique aux personnes qui désirent l'apprendre.
Historique général
André, né en 1945, et René, né en 1943, fréquentent le lac Balancine depuis les années 1970. Les deux frères résident 6 mois à Chicoutimi durant la saison hivernale et au lac Xavier l’autre moitié de l’année, dans la municipalité de Saint-Fulgence. Ils détiennent une formation de niveau universitaire, le premier en génie et le second en administration (finances). Le camp de chasse au lac Balancine est utilisé comme mode d'habitation lors des activités saisonnières de pêche et de chasse. Ils s'y rendent soit par un sentier pédestre, mais plus fréquemment en véhicule tout terrain (4 roues) par un petit chemin escarpé contournant les montagnes du secteur du lac Xavier. Une fois arrivés au lac Balancine, les frères troquent leurs véhicules pour le canot. Il s'agit de la seule façon de se rendre au camp de chasse métis qu'ils détiennent depuis le début des années 1980, en bordure du lac. André et René se rendent d'abord à leur camp pour préparer les cannes à pêche et le matériel requis pour cette pratique. Le lac Balancine est un petit lac sauvage d'environ 1 km de long. C'est un endroit peu fréquenté par les autres pêcheurs et chasseurs. La principale transformation de la pratique est l'utilisation, depuis quelques années, du moteur électrique comme mode de propulsion des canots. Avant ce temps, André et René Tremblay utilisaient les rames pour mouvoir leurs canots sur le lac. Le moteur électrique est un choix judicieux car il ne pollue pas comme un moteur à essence, il ne fait pratiquement aucun bruit et permet de se rendre plus rapidement à différents points de pêche sur le lac.